La pêche, une filière porteuse valorisée à travers les interventions d’ADEMA dans le bas Nord-Ouest
Un jeune de la Plateforme tenant en main un homard et une pieuvre
Le Nord-Ouest figure parmi les départements du pays les mieux lotis en étendue de zones côtières puisque sur ses 10 communes 8 sont côtières, ce qui offre des potentialités considérables en matière de pêche maritime. Sa partie occidentale constituée de 4 communes : Jean Rabel, Môle Saint-Nicolas, Bombardopolis et Baie de Henne dans lesquelles ADEMA intervient est totalement côtière. De la première commune énumérée à la dernière qui forme l’arrondissement du Môle Saint-Nicolas, on y compte 1 800 pécheurs répartis dans plusieurs villages sur un linéaire côtier de plus de 200 km.
Toutefois, les documents publiés par le MARNDR et d’autres instances bien connues dans le domaine attestent que ce potentiel a été pendant longtemps grandement inexploité. Cette indifférence est beaucoup plus marquée dans l’arrondissement du Môle Saint-Nicolas qui traditionnellement ne rentre pas dans les priorités des pouvoirs publics.
Cette région en proie à des sécheresses récurrentes induisant des risques élevés pour une agriculture quasiment pluviale pourrait miser sur la pêche comme filière de dynamisation de son économie. Les interventions réalisées soit par le ministère de l’agriculture, soit par la FAO dans le domaine ont été très ponctuelles et peu efficaces. Le secteur a bénéficié d’interventions majeures en 2000 avec le bureau des services d’appui aux projets des Nations Unies (UNOPS) mais elles étaient de courte durée et circonscrites pratiquement dans un seul village côtier, le Môle Saint-Nicolas. Il a fallu attendre une dizaine d’années plus tard pour assister à des interventions plus ou moins d’envergure au niveau de la filière et inscrites sur la durée. Ces interventions sont réalisées par ADEMA dans plus de cinq villages côtiers des communes de Baie de Henne, Bombardopolis et Môle Saint-Nicolas depuis 2009 jusqu’à date à travers la mise en œuvre de divers projets et à la faveur de plusieurs financements successifs (ACDI, UE, LWR, BMZ). Elles ont permis d’adresser la problématique de la filière liée aux faibles captures dues au manque d’encadrement technique et de matériels, à leur conservation et à leur commercialisation.
Les pécheurs à travers leurs associations respectives sont équipés de canots hors-bord en fibres de verre (Fiber glass) et artisanaux leur permettant d’effectuer une pêche plus éloignée des côtes. La disponibilité d’engins et intrants de pêche est assurée à travers le fonctionnement de deux boutiques d’intrants fonctionnelles grâce à l’approche entrepreneuriale adoptée pour les mettre en place.
Dans le passé des pertes post capture énormes (près de 40% des prises) étaient enregistrées en raisons de la déficience des dispositifs de conservation de fruits de mer frais. Elles sont actuellement réduites au strict minimum grâce à la mise en place de centres de conservation équipés de congélateurs fonctionnant avec l’énergie solaire. Avec la conservation, les différents acteurs de la filière particulièrement les marchands sont en mesure de mieux négocier les prix et d’atteindre des marchés éloignés. Des mareyeurs (marchands qui achètent des fruits de mer pour les vendre en gros à Port-au-Prince, Gonaïves) prennent des prêts pour acheter des congélateurs solaires dans l’idée de disposer de système de conservation autonome. Par ailleurs, plusieurs pécheurs ont investi dans la mise en place de poissonneries aux Gonaïves et à Port-au-Prince.
Les résultats positifs obtenus à partir des interventions d’ADEMA sont tangibles et unanimement reconnus par les communautés des pêcheurs. Le renforcement des acquis et leur réplication dans d’autres villages côtiers peuvent largement contribuer à la professionnalisation de la filière et à renforcer ses performances dans l’économie régionale.
Toutefois, la filière fait encore face à des défis et à des menaces considérables. On peut citer entre autres :
– Les pratiques anti conversationnistes qui tendent à entraver la reproduction de la ressource
– Le non-respect des mesures conservatoire des espèces
– Le manque de statistiques fiables sur la disponibilité de la ressource
– Les problèmes de règlementation de la pêche
– L’absence de contrôle du mouvement des navires étrangers (pêche dans les eaux territoriales, destruction des infrastructures de pêche, etc.)
Clother Généus
Responsable Programme Sécurité Alimentaire pour ADEMA
Source : Pale…Aji N0 10, P.5