Éducation

Difficultés d’apprentissage de la lecture, quelques pistes pour la combattre

En Haïti, l’apprentissage de la lecture, pour les enfants qui ont un développement cognitif normal, se fait de l’âge de 5 à 9 ans. Ainsi, un enfant de 9 ans doit être capable de lire un petit texte et de le comprendre (si celui-ci n’est pas dans une langue étrangère nécessitant une traduction). C’est la raison pour laquelle de nombreuses structures utilisent des tests de niveau pour évaluer les compétences de base en lecture des enfants de 3e année fondamentale.

Notre réflexion aujourd’hui se porte sur le retard que présentent certains enfants dans l’apprentissage de la lecture. C’est l’un des problèmes majeurs que rencontrent les écoles haïtiennes ces 10 dernières années. Celui-ci est d’autant plus marqué en milieu rural qu’en milieu urbain et encore plus dans les milieux ruraux défavorisés. Selon les chiffres du MENFP, le taux de redoublement au niveau fondamental est de 30% et c’est énorme. À ce niveau, les premières raisons de l’échec scolaire sont le problème de lecture, d’écriture et de calcul, mais le plus souvent c’est la difficulté d’apprentissage de la lecture qui force les enfants à redoubler.

ADEMA, dans ses différentes interventions en éducation durant ces 8 dernières années, oriente ses projets vers l’amélioration et la revalorisation de l’offre éducative publique qui est caractérisée par un taux élevé d’échecs scolaires dû au nombre élevé d’enfants en difficulté d’apprentissage. Cette année, le projet s’est également porté sur l’évaluation des compétences de base des enfants en lecture, écriture et calcul au niveau de la 3e AF. Les résultats sont alarmants, plus de 50% des enfants ont un score faible en lecture. Les écoles qui, 10 ans auparavant, avaient le plus haut taux de réussite au niveau fondamental présentent aujourd’hui un résultat médiocre au test.

Lors d’une discussion ouverte avec certain.es enseignant.es sur les causes de cette difficulté, la plupart estiment que ce sont les enfants de nos jours qui ne sont pas motivés à apprendre. D’autres soutiennent que l’unique instance responsable de l’échec scolaire est l’État qui a banni le châtiment corporel dans le système scolaire parce qu’avant, lorsque le bâton était permis à l’école, tous les enfants faisaient de leur mieux pour éviter d’être fouettés. Pour d’autres encore, c’est parce que les parents d’aujourd’hui n’assument pas leur rôle éducatif parental dans le sens qu’ils n’assurent aucun suivi sur l’apprentissage des enfants et laissent tout le travail sur le dos de l’école.

Que peut-on faire concrètement pour améliorer les résultats des enfants en lecture?

Il y a beaucoup de choses que les acteurs, directeur.trices, enseignant.es et parents, doivent faire pour que les enfants obtiennent de bons résultats dans l’apprentissage de la lecture. Mais, avant tout, ces différent.es acteur.rices doivent développer une synergie entre eux vers le but recherché. Ensuite, des éléments comme ceux décrits ci-dessous doivent être pris en considération :

  1. Eviter les classes pléthoriques. C’est souvent dans les classes surpeuplées que sont cachés les enfants incapables de lire car l’enseignant.e ne peut pas réaliser un suivi personnalisé de tous les enfants.
  2. Les directeur.trices doivent s’assurer que les enseignant.es ont une formation sur la didactique de la lecture, sur la façon d’enseigner la lecture. Les pédagogues soutiennent que chaque discipline a sa manière d’être enseignée et la didactique de la matière doit être maîtrisée si l’on compte obtenir de bons résultats.
  3. Les enseignant.es doivent appliquer une approche pédagogique différenciée où chaque enfant suivant son niveau pourrait recevoir de l’accompagnement de son enseignant.e pour avancer.
  4. Les écoles doivent développer une nouvelle stratégie d’évaluation de la lecture. Il ne suffit pas de lire au tableau ou dans le livre mais de porter attention aux difficultés de l’enfant et d’y pallier.
  5. L’école doit exiger une implication active des parents dans le processus d’apprentissage des enfants. Depuis le début de l’année, la direction doit informer les parents de la façon dont la collaboration direction-parents et enseignant.es-parents va se développer au bénéficie de chaque enfant.
  6. Les parents doivent consulter les cahiers de leurs enfants chaque jour et le notifier.
  7. Le matériel didactique et pédagogique nécessaire est mis à disposition des enseignant.es et des élèves.

Ces quelques pistes ne sont pas chose nouvelle, ce sont en fait les attributions des directions d’école, des enseignant.es et des parents, attributions qui sont jusqu’à présent négligées et aboutissent sur le mauvais résultat que l’on a sur le plan global. Pris en compte, ces pistes pourront aider à pallier la difficulté d’apprentissage de la lecture.

Raymond Achille / Responsable Suivi-Evaluation pour ADEMA

Source : Pale…Aji No 13, Mars 2024, Page 3