Comprendre la place des femmes dans l’économie du bas Nord-Ouest
Les controverses autour de la perception, l’acceptation et l’exercice des droits des femmes demeurent jusqu’à présent, notamment dans les pays en sous-développement où la technologie et les recherches scientifiques sont peu poussées. En Haïti, en particulier, les femmes assument de plus en plus leur responsabilité pour s’autodéterminer socialement et économiquement suivant leurs aspirations en tant qu’humain. Pour illustrer, il faut juste jeter un coup d’œil dans les marchés publics dans les grandes villes où le secteur informel est fort développé, et les femmes sont les principales actrices de ce secteur ; sans omettre que l’augmentation du taux de divorce débouche sur beaucoup de familles monoparentales avec des femmes comme chef de ménage qui assument tout dans la famille.
Par ailleurs, dans le milieu rural haïtien, principalement dans le bas Nord-Ouest là où le conservatisme est fort ancré, la plupart des femmes gardent encore leur rôle traditionnel dans le foyer et dans la communauté ; certaines le gardent par l’éducation, d’autres par obligation sociale. Il y en a d’autres, a contrario, qui, courageusement, s’impliquent dans la vie active même politique pour augmenter le revenu de leur famille et apporter leur contribution au devenir de leur communauté.
Image : Marché communale de Bombardopolis
Quelles places les femmes occupent-t-elles alors dans l’économie du bas Nord-Ouest d’Haïti ?
Répondre à cette question renvoie à reconsidérer le secteur économique du bas Nord-Ouest tout entier. De prime abord, il s’avère nécessaire de reconnaitre, suivant le résultat du Recensement Général de l’Agriculture réalisé en 2008-2009 publié par le Ministère de l’Agriculture des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR) en 2012, que le Nord-Ouest a eu une économie basée essentiellement sur le secteur primaire. Ceci étant dit, l’agriculture a été donc, pour la majorité des familles dans le bas Nord-Ouest, la seule source de revenu. Cependant, il faut admettre que depuis environ une décennie, de grands changements s’opèrent dans la vie économique de cette région ; l’agriculture est délaissée au bénéfice du développement du secteur tertiaire. Ces changements s’expliquent par le développement du secteur du transport qui facilite l’introduction de produis importés, de longues périodes de sécheresse rendant aléatoire la production agricole, sans oublier l’augmentation des besoins dans le domaine. De là étant, nous assistons à un abandon progressif de l’agriculture par beaucoup pour s’adonner à d’autres secteurs d’activités tels que le commerce et le travail professionnel manuel. Et, face à la cherté de la vie où les produits de premières nécessités et les écolages sont de plus en plus couteux, le « madan-sara », se développe peu à peu. Le « madan sara » est le nom que porte les commerçantes qui achètent leurs produits en ville et les vendent en province et vice versa. C’est à ce niveau qu’apparait la place actuelle de la femme dans l’économie du bas Nord-Ouest. Il est vrai que la majorité de la population de cette région habite dans les sections et vit en quelques sortes de l’agriculture, mais, en fait, cette agriculture, archaïque, pèse très peu dans la balance économique de la région. C’est plutôt le commerce de produits importés qui fait circuler l’argent dans la région…et qui dit commerce, dit les femmes.
Pour résumer, les femmes deviennent le moteur de l’économie du bas Nord-Ouest ces dernières années. L’affaiblissement de l’agriculture, la cherté de la vie, l’augmentation des besoins familiaux, le développement du secteur du transport facilite l’entrée libre des femmes dans la vie active par le commerce. Aujourd’hui, chaque femme essaie de mettre sur pied une petite boutique pour se procurer de l’argent.
Qui plus est, durant ces cinq dernières années, quelques femmes ont pris l’initiative de faire des investissements importants dans l’économie de la région. A Bombardopolis comme à Baie-de-Henne et Jean-Rabel, nous constatons quelques initiatives d’envergure menées par des femmes (« petits » supermarchés et hôtels) contribuant au développement de leur communauté.
Raymond Achille
Coordinateur Volet Psycho-Social ADEMA
Source : Pale…Aji, Juin 2021, No 9, p.5